Si tu vas à Rio…
Chère amie, cher ami,
Vous le savez, on parle de plus en plus de l’importance du sport et de l’activité physique.
Dès 1953, une étude initiée par le Professeur Morris et publiée dans le Lancet en a apporté l’irréfutable preuve. Elle portait sur les conducteurs et contrôleurs de bus à impériale dans la ville de Londres. L’étude a montré que les contrôleurs de bus avaient 50% de maladies cardiovasculaires de moins que les chauffeurs. Normal : les premiers montaient et descendaient toute la journée les escaliers du bus pour demander leurs tickets aux gens tandis que leurs collègues restaient assis derrière leur volant.
Depuis, nous avons fait du chemin. Les preuves des bienfaits de l’activité physique s’accumulent.
Aujourd’hui, nos connaissances sur le sujet se sont affinées. Et dans une approche plus globale de la santé et de la prévention, il semblerait que le combo gagnant pour éviter les maladies de civilisation soit de bien ajuster son activité physique et son alimentation.
Pour faire le point sur le sujet, je vous propose de découvrir ce qu’en dit Anthony Berthou. Cet ancien triathlète de haut niveau (membre de l’équipe de France junior) est devenu nutritionniste et s’est spécialisé dans l’accompagnement de sportifs dont certains participent actuellement aux Jeux Olympiques de Rio !
Anthony Berthou est conférencier auprès des professionnels de santé et du sport, enseignant à l’Ecole Polytechnique de Lausanne et en université (Lausanne, Evry, Rennes, Angers), consultant en nutrition et sport-santé.
Il sera conférencier lors de notre Congrès International de Santé Naturelle auquel vous pouvez toujours vous inscrire ici : http://www.congresipsn.eu/.
Vous retrouverez par ailleurs ses conseils sur son site Internet ici : http://www.sante-et-nutrition.com/presentation/
Voici donc son interview.
Bonne lecture !
Augustin de Livois
IPSN : En quoi le sport est-il un pilier de la santé ?
Anthony Berthou : La découverte de l’épigénétique il y a quelques décennies a changé notre compréhension des maladies. On considérait jusqu’alors que l’information génétique était figée. Mais c’était une erreur.
L’environnement et notre mode de vie ont une influence directe sur l’émergence des maladies, en particulier dites de civilisation. C’est ce que nous enseigne l’épigénétique : notre information génétique va s’exprimer différemment et évoluer en fonction de notre comportement, en particulier de la façon dont nous mangeons, dont nous pensons et dont nous bougeons. Et, au regard de notre capital génétique, nous ne sommes pas faits pour être sédentaires ni pour rester derrière un ordinateur tout au long de la journée.
Le mouvement et, par extrapolation, l’activité physique sont donc des éléments incontournables de la santé de chaque individu. Qu’il s’agisse du sportif de haut niveau qui veut optimiser ses performances ou de la personne qui veut se remettre en mouvement, l’essentiel est d’adapter la stratégie alimentaire à l’effort physique à fournir. Les deux axes sont complémentaires. On ne peut pas parler d’activité physique sans parler de nutrition, et vice-versa.
IPSN : La sédentarité serait donc un problème pour la santé ?
A.B. : Sans aucun doute. Nous avons fait le choix pour des questions de confort de vie de rester sédentaires. Environ 35% de la population mondiale est considérée comme inactive et 60% ne respecte pas les recommandations minimales de l’activité physique, à savoir au moins 30 minutes d’activité modérée 5 jours par semaine ou 20 minutes d’activité intense 3 fois par semaine.
Dès que l’on désadapte son corps de l’activité, il devient vite plus confortable de toujours se promener en voiture ou de rester toute la journée devant l’ordinateur ou la télévision. Au prix de notre santé toutefois.
Heureusement, petit à petit, la situation évolue, la prise de conscience grandit. Et la part de la population exerçant une activité physique augmente légèrement.
IPSN : Faut-il marcher ? Faire du sport ?
A.B. : Le simple fait d’avoir une activité musculaire est bénéfique pour la santé. Après, c’est à chacun de voir où mettre le curseur en termes de fréquence et d’intensité d’effort.
Les sports d’endurance, réalisés à faible intensité, vont être globalement très bénéfiques pour se remettre en mouvement et, surtout, pour améliorer le métabolisme.
Les personnes obèses ou souffrant de problèmes articulaires pourront, par exemple, préférer des sports portés, comme le vélo ou la natation. La personnalisation des programmes d’activité est essentielle, il n’y a aucune règle universelle.
IPSN : Vous accompagnez des sportifs de haut niveau sur le plan nutritionnel. Quels enseignements peut-t’on tirer de cet accompagnement pour le grand public ?
A.B. : Les sportifs de haut niveau sont des « Formules 1 » pour lesquelles chaque détail compte, chaque facteur d’optimisation des performances est essentiel. La performance se prépare au quotidien, à commencer par ce que l’on décide de mettre dans son assiette. Et comment pourrait-il en être autrement quand on sait qu’une place sur un podium aux Jeux Olympiques se joue sur moins d’un millième du temps de course parfois ?
Et les enseignements que nous tirons du suivi de ces sportifs sont très utiles au grand public. La mise en place de protocoles nutritionnels innovants et l’exploration de nouvelles pistes physiologiques ont permis d’apporter des solutions à l’ensemble de la population et de remettre en question certains des préjugés qui ont guidé les recommandations nutritionnelles pendant de nombreuses années. Un des exemples d’actualité est la remise en cause par de nombreux athlètes de très haut niveau, et toutes disciplines confondues, du dogme des glucides comme aliment de prédilection du sportif.
La performance s’obtient par l’optimisation de toutes les fonctions ayant favorisé les adaptations physiologiques attendues de l’entraînement. L’objectif de la nutrition est alors de bien nourrir les cellules pour faire en sorte qu’elles répondent à ces adaptations, dans une optique de santé autant que de performance. Il s’agit de maintenir l’homéostasie cellulaire. Une cellule est en effet une fabuleuse machinerie qui a la capacité de s’adapter en permanence aux sollicitations. À condition qu’elle soit bien nourrie.
Or, l’activité physique est une « agression », au sens où elle génère une inflammation. Tant que ce phénomène reste local, ponctuel et contrôlé, tout va bien. Cela permet au métabolisme de fonctionner. Mais si l’inflammation se pérennise, devient systémique et non contrôlée, elle entraîne une désadaptation. Pour l’athlète, cela rime avec contre-performance, blessure, voire surentraînement.
C’est la même chose pour la population en général. Lorsqu’une pathologie apparaît, une maladie auto-immune par exemple, cela signifie que la cellule ne s’adapte plus à son environnement devenu trop agressif et que, bien souvent, une inflammation chronique s’est mise en place.
IPSN : Que peut-on faire pour éviter ce phénomène ?
A.B. : C’est là qu’intervient la nutrition. Elle doit permettre à la cellule de s’adapter à son environnement grâce à une alimentation de qualité, que vous soyez athlète de très haut niveau… ou pas !
Je dis souvent aux athlètes : « vous ne pouvez devenir performants que si vous êtes en bon état de santé ». C’est le préalable à tout. On ne va pas parler performance si, physiologiquement, on n’est pas capable de répondre à l’adaptation cellulaire attendue par l’entraînement. C’est un non-sens.
On voit, du reste aujourd’hui, de plus en plus de sportifs qui intègrent cette dimension dans leur préparation. C’est le cas par exemple de Novak Djokovich au tennis qui suit depuis de longues années un régime sans gluten.
Quand un athlète gagne, cela se joue à trois fois rien. Celui qui a optimisé tous les facteurs a le plus de chances de gagner.
En focalisant son attention sur le gluten, mais surtout en révisant son hygiène alimentaire générale, notre tennisman protège son écosystème intestinal, le trépied de la santé. Vous ne pouvez pas être en bon état de santé, donc au maximum de vos performances, si votre intestin n’est pas en bonne santé.
Lorsqu’il accompagne un sportif, le travail du nutritionniste est d’identifier les troubles fonctionnels ou biologiques traduisant les éventuelles désadaptations, pour proposer le meilleur accompagnement nutritionnel. L’individualisation est donc essentielle. Il n’y a pas de recette ni de programme universel. L’alimentation de Novak Djokovich n’est pas nécessairement celle adaptée à tous les athlètes.
IPSN : Y a-t’il des limites aux bienfaits de l’activité physique ?
A.B. : Il est bon de rappeler qu’en matière de santé, l’activité physique se comprend à travers une courbe en U.
La sédentarité est l’un des principaux facteurs de risque des maladies non transmissibles (cancer, diabète, maladies cardiovasculaires, obésité, etc.).
A l’inverse, une personne qui pratiquera une activité physique à outrance dépassera ses capacités d’adaptation. Ce qui amène à reconsidérer certaines pratiques. Par exemple, le fait de multiplier les entraînements, en course à pied ou dans d’autres sports traumatiques, sans permettre au corps de récupérer. C’est une grave erreur car la récupération est une étape essentielle au processus d’adaptation. Elle est si souvent négligée… C’est là qu’apparaissent les dangers du sport !
En prévention, l’activité physique doit vous maintenir le plus longtemps possible en bonne santé. On ne pratique pas le sport à outrance ou les disciplines traumatiques pour durer !
Faire un à deux marathons au cours de sa vie, s’ils sont bien préparés et s’il n’existe aucune contre-indication, peut être excellent pour la santé. En revanche, la multiplication tout au long de l’année de marathons ou d’épreuves d’ultra-endurance mal préparés peut avoir des conséquences néfastes : simple désadaptation des cellules, troubles fonctionnels (sommeil, fatigue, etc.), blessures et, dans le pire des cas, coma, voire décès.
IPSN : Quels conseils donneriez-vous à des personnes qui se préparent à faire un marathon ou un effort physique intense ?
A.B. : 99% de la performance s’optimise au quotidien. On ne prépare pas un marathon trois jours avant, en restant devant la télévision le reste de l’année à regarder le sport ! Or, les athlètes ont souvent tendance à rechercher le régime ou le produit-miracle. Celui qui, quelques jours avant, aura un effet bonus sur leur performance. Ce produit n’existe pas. C’est la qualité de l’alimentation tout au long de l’année qui détermine la performance. C’est elle qui permettra aux cellules de répondre favorablement aux adaptations attendues de l’entraînement.
Je peux vous donner quatre conseils à mettre en œuvre tout au long de l’année :
>> 1. Consommer des acides gras de qualité. Ils modulent en effet l’inflammation. On en revient à cette fameuse homéostasie cellulaire. De quoi parle-t’on ? Des omégas 3, petits poissons gras, huiles de colza, de lin, de cameline, noix.
>> 2. Veiller à son statut en antioxydants. Quand vous faites un effort physique, vous consommez plus d’oxygène. Vous produisez donc davantage de radicaux libres. Un système de défense adapté devient alors nécessaire pour éviter le stress oxydant, même si les cellules s’adaptent favorablement à cette situation. On fera la part belle aux légumes de saison, aux fruits, aux épices, aux aromates. Bien avant de surconsommer des glucides à outrance.
>> 3. Assurer un confort digestif. C’est essentiel ! Selon les études et les types de pratique sportive, on estime que 40 à 70% des coureurs peuvent subir des troubles digestifs au cours de l’effort. L’intestin, pendant l’effort, est malmené. Ce n’est pas un organe qui s’adapte à la pratique intensive. Au quotidien, il est donc nécessaire d’en prendre soin, en particulier de la muqueuse et de la flore intestinale (le microbiote). Quelques jours avant, il vaut mieux mettre au repos l’intestin en évitant les aliments qui peuvent irriter la muqueuse ou simplement augmenter le temps de digestion.
>> 4. Veiller à la qualité des sucres et des protéines. Dans la tête de beaucoup de sportifs, il faut manger le plus de pâtes possible pour être performant et manger peu de graisse pour être le plus léger et des protéines pour faire du muscle. C’est une caricature qui persiste encore, y compris chez les professionnels.
Au niveau des sucres, il est indispensable de privilégier des aliments qui vont faire sécréter peu d’insuline à l’organisme : les légumineuses, les produits céréaliers complets. Une alimentation normo-glucidique, voire un peu plus pauvre en glucides mais avec des graisses de qualité, permet de meilleures capacités d’adaptation du métabolisme. La littérature met de plus en plus en évidence que le dogme des glucides chez le sportif n’a plus lieu d’être.
Par ailleurs, les besoins du sportif en protéines sont certes augmentés, mais la qualité est essentielle. On privilégiera les volailles fermières, le poisson, les œufs bio ou fermiers et les sources végétales. Les protéines en poudre que l’on trouve dans le commerce n’ont rien d’indispensable !
D’une manière générale, il s’agit avant tout de revenir à ce que j’appelle la nutrition « du bon sens », à base d’aliments bruts, non transformés, d’origine bio (c’est l’idéal) ou locale, favorisant les circuits courts et cultivés ou élevés dans de bonnes conditions, autant pour la planète que pour l’homme. Les enjeux nutritionnels et environnementaux sont les mêmes. Les solutions individuelles et collectives également. C’est notamment ce que j’enseigne au niveau universitaire. Le sportif trouvera la solution à ses recherches de performance dans cette alimentation de bon sens et non dans le produit miracle ou le dernier régime à la mode.
IPSN : Et au cours de l’effort, y a-t’il des règles à suivre ?
A.B. Bien sûr ! Il faut notamment avoir une alimentation qui respecte le système digestif. Pendant un marathon, les athlètes connaissent, ce que l’on appelle, une ischémie mésentérique, c’est-à-dire une diminution de l’irrigation sanguine au niveau de l’intestin. Elle peut atteindre 70 à 80% par rapport à la valeur au repos puisque le corps va favoriser le tissu musculaire pour l’oxygéner et le nourrir. L’intestin ne sera donc pas dans les meilleures dispositions pour digérer pendant cette période.
Il est donc préférable d’avoir une alimentation liquide avec une boisson de qualité. Cette boisson permettra d’hydrater le corps. Beaucoup d’athlètes ne boivent que lorsqu’ils ont soif. Mais quand on a soif, on est déjà en état de déshydratation. À peine 1 à 2 %, mais cela suffit à altérer les performances. Un marathonien, par exemple, aura tout intérêt à fractionner sa prise de boisson en buvant 1 à 2 gorgées toutes les 7 à 8 minutes, ce dès le début de la course.
Cette boisson contient du sodium (sel) parce qu’avec la transpiration, le sportif perd beaucoup de sel. Cela peut être synonyme de baisse de performance, voire de problèmes de santé sur des épreuves longues et/ou réalisées en ambiance chaude. Elle contient également trouve aussi des sucres de qualité pour maintenir la glycémie (taux de sucre dans le sang) et pour retarder l’épuisement du stock de glycogènes (hypoglycémie). C’est une des hypothèses évoquées quand on parle de « frapper le mur » au marathon.
En cas d’efforts longs (supérieur à 2 à 4h selon l’état nutritionnel), on pourra compléter la prise liquide par des aliments digestes : pâte de fruit ou une demi-banane bien mûre par exemple. La barre de céréales quand on court est à éviter car elle sera difficile à digérer.
IPSN : Et après tout cet effort, y a-t’il des astuces pour mieux récupérer ?
La priorité est de se réhydrater. Donc idéalement on attendra un peu avant la bière ! L’alcool déshydrate en effet. Il faut boire une eau riche en bicarbonates (Vichy, St Yorre, etc.) ou une boisson de récupération de qualité, à hauteur de 150% des pertes dues à la transpiration.
Après l’effort, le muscle a besoin de reconstituer ses réserves en glycogène. C’est donc un moment opportun pour consommer des aliments riches en glucides digestes, une banane bien mûre ou une compote pour les plus sensibles au niveau intestinal, par exemple, le plus tôt possible après l’effort. On pourra également compléter l’alimentation en phase de récupération par des graisses de qualité (oléagineux) si l’intestin n’est pas fragilisé par l’effort.
En cas de pratiques sollicitant fortement le muscle, la fibre musculaire a besoin d’être réparée. On pourra également compléter par des protéines de qualité, notamment riches en certains acides aminés dans une boisson de récupération.
La chronologie est importante. On dispose d’une fenêtre métabolique de quelques heures au cours de laquelle l’organisme est particulièrement enclin à récupérer. Avec les bons nutriments au bon moment, on récupère aussi bien qu’en 24 ou 48 heures sans faire d’effort particulier.
Enfin, un des avantages de la pratique sportive est de permettre aux cellules de devenir très sensibles à l’insuline. L’arrêt du sport peut faire perdre ces bénéfices en quelques semaines, d’où l’intérêt de conserver une activité régulière, même si elle n’est pas intense. Tout est une question d’adaptation. Ainsi, la pratique régulière d’une activité qui nous fait plaisir, qui nous correspond et dans le respect de notre santé apporte de nombreux bienfaits, à commencer par le bien-être psychologique. La reprise d’activité peut être difficile pour certains, c’est tout-à-fait normal et transitoire. Bien sûr, tous ces conseils demeurent valables pour les personnes qui ont la possibilité de pratiquer une activité sans risque. Des programmes spécifiques doivent être proposés en cas de pathologies ou de remise en mouvement.
Vous retrouverez Anthony Berthou lors de notre Congrès International de Santé Naturelle des 1er et 2 octobre 2016. Rejoignez-nous et inscrivez-vous ici : http://www.congresipsn.eu/billetterie-congres/
Vous aurez ainsi l’occasion d’échanger avec lui et de lui demander si les athlètes qu’il a suivi ont gagné aux Jeux Olympiques de Rio !
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