Êtes-vous Glyphopositifs ?

Chère amie, cher ami, 

Aujourd’hui, je vous partage une interview de Bernard Astruc. Militant de longue date, présent à tous nos congrès, Bernard est un défenseur infatigable de la nature et des êtres humains.

Il se bat pour que l’écologie et la santé humaine soient prises en compte dans les grands choix de société. Et cela commence par une agriculture saine et durable. C’est ce que l’on appelle l’agro-écologie !

Aller vers ce modèle est de plus en plus nécessaire tant nous nous intoxiquons chaque jour !

La dernière campagne à laquelle Bernard a participé montre que tout le monde est glyphopositif…

Il faut que cela change !

Bonne lecture,

Augustin de Livois


IPSN : Avant de commencer l’interview, pourriez-vous nous dire où en est la campagne d’Oasis Réunion que l’IPSN a évoquée à plusieurs reprises, et que nos lecteurs ont déjà soutenue ?

La campagne « Oasis Réunion », a priori très improbable, se déroule miraculeusement très bien, car nous y sommes très fortement investis avec un groupe de coordination de 65 personnes, un comité de pilotage de 7 personnes, et 2 coordinateurs, dont moi-même. Nous avons atteint le palier de 25 000 signatures de soutien à notre Manifeste et il nous faut faire rapidement un bond en avant de 5 000 signatures supplémentaires pour soutenir l’objectif d’une agriculture 100% bio, locale et paysanne en commençant par l’île de La Réunion. L’IPSN peut encore nous y aider.

Un appel est donc lancé aux fidèles lecteurs de cette Lettre, d’aller lire, approuver et signer ICI

IPSN : Bernard Astruc vous êtes membre de la commission nationale communication et coordonnateur pour l’île de La Réunion et pour le Var de la campagne nationale « Campagne Glyphosate », pourriez-vous nous dire en quoi consiste cette campagne ? 

C’est une vaste opération que nous menons avec un collectif citoyen réuni pour l’occasion sur l’ensemble du territoire français. À ce jour, 87 départements y ont participé.

Nous avons fait faire 5 500 analyses d’urines partout en France. 100% de ces analyses sont positives ! C’est vrai à Foix, Colmar, Lille, Saint-Lô, Vannes, Tarascon, … et bien sûr dans le Var où je suis. C’est simple et efficace. C’est vrai partout et pour tout le monde ! 

À tel point que nous en avons fait un slogan, qui en rappelle un autre : TOUS GLYPHOPOSITIFS ! ».

Les taux de glyphosate mesurés dans les urines sont en moyenne 10 fois supérieurs aux taux admis dans l’eau potable ! Rendez-vous compte ! 

IPSN : Qu’indique la présence de glyphosate dans les urines ? Une saturation en pesticides ? 

Le glyphosate n’est pas un pesticide en tant que tel, c’est une molécule qui entre dans la composition de nombreux pesticides, dont le Roundup, l’herbicide le plus vendu au monde. 

Le glyphosate est un bon marqueur des molécules chimiques présentes dans notre corps, dont certaines sont de 10 à 1 000 fois plus nocives que le glyphosate comme l’a montré une étude du Pr. Séralini et du CRIIGEN (1).

Il ne faut pas oublier par ailleurs les risques liés à « l’effet cocktail » qui ne sont pas analysés à l’heure actuelle. La seule étude à ce jour montre qu’une exposition orale chronique à un cocktail de pesticides même à très faible dose induit, en plus des effets délétères propres à chaque pesticide, des perturbations métaboliques dont le diabète et l’obésité (2).

IPSN : Qu’appelez-vous «l’effet cocktail ? »

C’est l’effet combiné de différentes molécules chimiques dont de nombreux scientifiques pensent qu’il pourrait être bien plus que proportionnel. Si vous avez deux substances toxiques dans le corps qui se mélangent, vous pourriez avoir un effet beaucoup plus néfaste sur votre santé, que si vous étiez intoxiqué à ces substances à des moments différents. Mais il y a aussi « l’effet cumulatif » qui, lui, est encore plus difficile à évaluer car éminemment variable en fonction du choix et de la quantité de la nourriture ingérée.

IPSN : Pourquoi avoir focalisé la campagne sur le glyphosate ? 

Il est vrai que le glyphosate est l’arbre qui cache la forêt de l’agrochimie. Mais il reste l’une des molécules les plus connues et contestées par les citoyens et les maires. A ce titre, il est emblématique de la divergence d’intérêts qui existe entre les populations qui craignent pour leur santé et les lobbies de l’agriculture qui ne voient que la rentabilité à court terme. 

Notre campagne vise aussi à soutenir les maires courageux qui ont fait limiter dans leurs communes l’usage du glyphosate à moins de 150 mètres des habitations. Ces maires anticipent la date prévisionnelle de l’interdiction du glyphosate dans le secteur agricole initialement fixée au 1er janvier 2021.

IPSN : Pensez-vous qu’il faille anticiper cette interdiction ?

C’est évident. Mais très compliqué à cause des autorisations d’utilisation existantes actuellement. Car en dépit des annonces politiques qui ont été faites, il y a toujours des pressions exercées par les lobbies pour faire reculer la date ou réduire la portée du texte. Il est de plus en plus question de prévoir des dérogations portant sur des surfaces importantes, quasiment imposées par la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) qui vient de mettre une pression très forte sur le gouvernement au travers des récentes manifestations d’agriculteurs devant les préfectures.

Mais cette fois, l’opinion publique est prête et je crois que de plus en plus de responsables politiques ont compris que c’était le sens de l’histoire ; et ce d’autant plus que nous sommes en période pré-électorale avec des enjeux politiques importants, surtout pour la majorité actuelle. 

L’usage du glyphosate a été interdit dans les espaces publics le 1er janvier 2017, puis chez les particuliers le 1er janvier 2019 (avec, en cas de non respect, des sanctions pouvant aller jusqu’à 6 mois de prison et 150 000 euro d’amende). La prochaine étape, c’est dans les espaces agricoles.

Tout cela va dans le sens du principe de précaution en santé publique, constamment bafoué, bien que prévu dans la Constitution, principe qui devrait s’appliquer aussi au niveau européen. 

IPSN : Et comment les agriculteurs vont-ils pouvoir s’organiser ? Les surfaces dont on parle n’ont tout de même rien de comparable ? 

Mais les alternatives existent ! En 2018, en France, 42 000 agriculteurs cultivaient 2,2 millions d’hectares dans toutes les filières, sans fertilisants chimiques, sans pesticides, ni OGM (dont 306 agriculteurs bio à La Réunion, sur 1 270 hectares).

Est-il utile de rappeler que dans l’élevage, à l’heure actuelle, 90% des animaux sont nourris avec des aliments transgéniques, véritables « éponges à pesticides » ? Sans aucune transparence ni information du consommateur. Les 10% restants sont en élevage biologique.  Il y a encore du pain sur la planche ! D’où l’importance de la campagne « Oasis Réunion ».

IPSN : Comment voyez-vous l’avenir de l’agriculture en France ? 

Il n’existe que deux grandes formes d’agriculture sur la planète. Je me permets d’élargir un peu le débat car la France n’est pas, loin de là, la seule concernée par le problème, lequel procède très fortement du terrifiant réchauffement climatique… qui serait complètement résolu si la planète se convertissait à une agriculture 100% biologique, locale et paysanne avec, bien sûr, un comportement beaucoup plus éco-responsable des consommateurs. 

Il y a donc :

  1. L’agrochimie qui nourrit les plantes en direct avec des intrants chimiques de synthèse, grande utilisatrice de pesticides et d’aliments OGM pour nourrir industriellement et très généralement de façon carcérale, 9 animaux d’élevage sur 10 en France avec du maïs et du soja principalement importés d’Amérique du sud (Brésil, Argentine) avec une empreinte carbone catastrophique (3).

  2. L’agrobiologie qui nourrit les sols, qui vont nourrir les plantes, en référence au modèle agronomique traditionnel de la Forêt, sans aucun produit chimique de synthèse, dans la diversité et la saisonnalité, de préférence à une échelle « paysanne » et de manière intensément écologique, comme le proposent par exemple l’agroforesterie et la permaculture (4).

La première des deux n’existe que depuis 70 ans. Mais son bilan est catastrophique sur le plan environnemental, sanitaire et économique. En 2018, 5 000 agriculteurs ont encore quitté les rangs de l’agriculture conventionnelle pour faire de l’agriculture biologique. Et pas l’inverse, ce qui est hautement significatif. 

Nombreux sont les agriculteurs qui se trouvent au bord, voire en faillite, et qui doivent s’arrêter. Pour eux c’est une impasse, au point qu’on déplore désormais en moyenne un suicide par jour chez les agriculteurs. 

Il faut oser dire que la coexistence entre l’agrochimie et l’agrobiologie n’est plus possible ! Les produits chimiques utilisés ne s’arrêtent pas aux parcelles ainsi cultivées, et la liberté des agriculteurs bio n’est pas respectée par ceux qui cultivent en agrochimie. 

IPSN : Ne pensez-vous pas qu’il puisse y avoir un problème de coût de l’agriculture biologique ? Les produits ne sont-ils pas nettement plus chers que ceux de l’agriculture conventionnelle? 

Si vous souhaitez consommer bio et moins cher, commencez par changer de mode d’alimentation. Par exemple, en diminuant la quantité de protéines animales que vous mangez, vous ferez baisser le coût de votre alimentation. Dans le même temps, vous pouvez augmenter vos apports en protéines végétales, sur le modèle du « régime alimentaire méditerranéen » qui fait des centenaires…

Par ailleurs, quand vous pensez au coût d’une agriculture, il faut penser à l’ensemble des coûts en tenant compte des « externalités négatives ». (l’équivalent des effets indésirables des médicaments !)

En réalité, vous payez les produits issus de l’agriculture conventionnelle non pas 1 fois, mais 4 fois !

  1. À la caisse. Normal. Mais compte tenu de la mauvaise qualité des produits qui ne contiennent plus de nutriments et beaucoup de pesticides, même s’il ne paraissent pas cher leur prix est toujours trop élevé ! 
    Sans compter, que sur 100 € de produits alimentaires issus de l’agriculture, l’agriculteur ne touche que 8,20 €, selon l’Observatoire national de l’Alimentation.

  2. Lorsque vous payez vos impôts ou la TVA. Car l’agriculture conventionnelle est largement subventionnée. Elle reçoit 9 milliards d’euro de la PAC et 1 à 2 milliards d’euro de l’État tous les ans.

  3. Lorsque l’eau est dépolluée par les pouvoirs publics. Il faut bien filtrer et nettoyer cette eau gorgée de nitrates et de pesticides qui ruissellent jusque dans nos rivières, pour avoir de « l’eau potable ». En France, chaque année, le coût de cette dépollution est de 54 milliards. Là aussi c’est avec l’argent de vos impôts. (source www.fnab.org) 

  4. Lorsque vous avez des maladies de civilisation liées à l’alimentation. Et là c’est un prix très fort à payer ! Faut-il le rappeler, une vaste étude de l’INSERM a montré que ceux qui consomment des produits bio ont 25% moins de risques de développer un cancer ! Ce n’est pas qu’un petit « plus » ! 

D’une manière générale, le montant des frais de soins et de médicaments correspond à plus de 150 milliards d’euro par an, pris en charge par la Sécurit�� Sociale, sur nos cotisations bien sûr !

La maladie n’est pas une fatalité.

Souvenons-nous des dictons, dont certains très anciens, depuis le célèbre « Que ton aliment soit ton (unique) médicament » jusqu’au « Nous sommes ce que nous mangeons » en passant par « La santé n’a pas de prix » … « Un esprit sain dans un corps sain » … Leur résonance est restée intacte de nos jours.

IPSN : Merci Bernard Astruc, et en conclusion ?

B.A. : Le problème : NOUS SOMMES TOUS GLYPHOPOSITIFS ! et le glyphosate étant l’arbre qui cache la forêt de l’agrochimie il nous faut arrêter le plus rapidement possible pour passer à La solution : une agriculture 100% bio, locale et paysanne, en commençant sur l’île de La Réunion qui servira de modèle et de territoire pilote. 

Alors, SIGNONS ET FAISONS SIGNER MASSIVEMENT LE MANIFESTE D’OASIS RÉUNION ICI

Merci de votre soutien, à vous l’IPSN, et à toutes vos lectrices et tous vos lecteurs !

Solidairement et cordialement,

Bernard ASTRUC

Bernard Astruc vit en Région Sud Provence. Il se définit depuis 1970 comme « agro-bio-socio-écologiste » pour bien indiquer qu’il ne s’agit plus seulement de changer de mode agricultural mais aussi de mode de société et de consommation. L’objectif est d’aller vers une consom’action éco-responsable, c’est à dire écologiquement et économiquement responsable. Il est président de Bioconsomacteurs Paca France, administrateur du Collectif de Défense des Terres Fertiles, membre élu du comité de marque de Bio Cohérence pour une agriculture bio 100% française, adhérent de très longue date de Nature & Progrès, l’association pionnière de la Bio en France (fondée en 1964), initiateur et coordinateur de la campagne Consommateurs pas cobayes!, co-initiateur d’Oasis Réunion. 

 


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