Une recette de Cicéron qui fonctionne toujours 

Chère amie, cher ami, 

Dimanche dernier, comme d’habitude ou presque, l’espagnol Rafaël Nadal a gagné le tournoi de Roland Garros à Paris. 

J’avais été marqué en 2018 par la réponse qu’il avait donnée à un journaliste qui lui demandait après quoi il courait encore. 

Il avait déjà, à l’époque, un palmarès éblouissant. 

Voici ce que le sportif avait répondu : 

« J’aime être sur les courts. Chaque jour. Je suis toujours habité par la motivation pour continuer à jouer au plus haut niveau ce sport magnifique. J’ai toujours senti la chance que j’avais de vivre cela tout au long de ces années. Je suis très heureux de tout ce qui est arrivé. Pour tout cela, je ne peux dire qu’une chose : merci la vie. Merci pour tout ce qu’elle m’a apporté. Pour moi, le plus important est d’être heureux. Le tennis me rend heureux.” [1]

L’un des secrets de sa longévité, de son mental en acier et de son éternelle envie est peut-être là : Nadal sait dire merci. 

Une valeur clef de l’Occident…

En ce sens, ce sportif pratique une vertu reconnue depuis des siècles dans différentes civilisations. 

Chez les Romains, Sénèque, qui appartenait à l’école des stoïciens, y consacre un traité de 7 livres appelés De beneficiis. 

Il parle de gratitude, d’ingratitude et des bienfaits. Ce travail énorme vise notamment à lutter contre le pire vice, selon Sénèque, de ses contemporains : l’ingratitude. 

Mais aujourd’hui, c’est surtout la formule de Cicéron que nous avons retenue selon laquelle 

“La gratitude n’est pas seulement la plus grande des vertus mais la mère de toutes les autres.”[2]

Pour lui, les autres vertus étaient notamment la gentillesse, l’humilité et la simplicité. 

Rien de tout cela ne pouvait exister sans qu’au départ il y ait eu un “merci”. 

En Occident, la gratitude est restée une valeur forte à travers toute l’Antiquité puis le Moyen-âge. 

Les penseurs chrétiens n’ont eu de cesse de mettre en avant la gratitude à travers la notion de grâce et de gratuité.[3]

Et dans toutes les églises de France, l’on voit des murs entiers couverts d’ex-votos disant merci.

Au 19e siècle, c’est le poète Gérard de Nerval qui complète cette longue réflexion en suggérant que l’ingratitude est le seul vice dont on ne peut pas se vanter.

De l’autre côté de l’Atlantique, la gratitude ou reconnaissance est marquée par la fête de Thanksgiving.[4]

Cette fête rappelle l’arrivée de colons puritains anglais qui fuyaient les persécutions religieuses au Royaume-Uni.  

Ils fondent, en novembre 1620, la ville de Plymouth. Mais le premier hiver est très rude et les Indiens Wampanoag leur apprennent à pêcher, à cultiver et à chasser pour survivre. 

Cet accueil des Indiens est gratuit et généreux. C’est ce que les Américains fêtent tous les ans au mois de novembre de manière conviviale et fraternelle autour d’un bon repas préparé toute la journée.[4]

… et de l’Orient !

Un dicton chinois dit : « Une goutte de bonté mérite une fontaine en retour. »[5]

Ce proverbe est illustré par de nombreuses histoires et légendes chinoises.[5]

L’une des plus connues est une histoire vraie, celle de Han Xin (231-196 av JC). 

Orphelin, ce garçon est recueilli dans son enfance par une femme pauvre. Il devient plus tard chef des armées de l’empereur Liu Bang. 

Sa carrière est exceptionnelle. Elle lance l’une des dynasties les plus glorieuses de Chine.[5]

Mais au faîte de sa gloire, Han Xin n’oublie pas de retourner dans le village où il a grandi pour remercier la femme qui s’est occupée de lui et lui offrir 200 pièces d’or. 

Au large de la Chine, vous trouverez une île japonaise : c’est la préfecture d’Okinawa. 

Cette île est une des zones bleues du monde, l’un de ces endroits un peu mythiques où l’on trouve beaucoup plus de centenaires qu’ailleurs.[6]

Les scientifiques estiment que cela est dû au mode de vie particulièrement protecteur des Okinawaiens, ce qui inclut une alimentation de qualité, une vie en mouvement et harmonieuse. 

Cette harmonie passe notamment par la pratique ritualisée de la gratitude. Elle est présente également dans le rapport à l’alimentation ou encore dans les festivals traditionnels que l’on retrouve dans tout le Japon.[7]

Dans la culture indienne, la gratitude est également importante. Selon les enseignements du Bouddha, la gratitude mène à l’esprit d’éveil et est indispensable à l’affection. 

Elle est également associée à la responsabilité.[8]

Celui qui sait dire merci est prêt pour l’action.

Que dit la science aujourd’hui ?

Je ne vous ai donné que quelques exemples de l’importance de la gratitude et de la reconnaissance à travers le temps et l’espace chez Homo sapiens

Si vous avez voyagé, je suis certain que vous en avez rencontré bien d’autres !

Il semble que tous les êtres humains, partout dans le monde, ont fait l’expérience des bienfaits de la gratitude. 

Depuis quelques années, les scientifiques d’aujourd’hui confirment la sagesse des anciens en accumulant des données et des preuves statistiques si chères à notre époque. 

Ainsi, une étude menée par des psychologues auprès de 300 étudiants a montré que la gratitude était une vertu toujours aussi efficace pour le moral.[9]

Les étudiants étaient accompagnés psychologiquement et reconnus comme ayant une santé mentale fragile. 

Trois groupes ont été formés : 

  • Groupe 1 : les étudiants suivent une psychothérapie et écrivent une lettre de remerciements à quelqu’un d’autre toutes les semaines pendant trois semaines ;
  • Groupe 2 : les étudiants suivent une psychothérapie et tiennent un journal dans lequel ils peuvent librement exprimer toutes leurs pensées les plus profondes ou stressantes ;
  • Groupe 3 : les étudiants suivent une psychothérapie : il s’agit du groupe contrôle. 

Après 12 semaines, les étudiants du groupe 1, qui écrivaient des lettres de remerciements, se portaient beaucoup mieux que ceux qui rédigeaient leurs pensées ou que ceux appartenant au groupe contrôle.[9]

Les auteurs de l’étude ont analysé les lettres de gratitude des étudiants du groupe 1. 

Ils y ont noté un pourcentage d’émotions positives plus élevé que dans les journaux de bord tenus par les étudiants du groupe 2. 

Ils ont également relevé la présence plus fréquente du “nous” et moins, voire aucune émotion négative. 

Par ailleurs, seules 23% des lettres de gratitude ont été envoyées. 

Ainsi, le simple fait de ressentir et de noter sa gratitude envers quelqu’un a aidé ces étudiants à se sentir beaucoup mieux. 

Cette étude confirme le lien existant entre la gratitude, la conscience positive de soi, la responsabilité et l’humeur positive. 

La gratitude change le cerveau et le corps 

Pour certains psychiatres dont Kristin Francis, une experte américaine[10][11], le fait d’exprimer votre gratitude a un effet physiologique.

En effet, dire merci augmente la dopamine et la sérotonine deux neurotransmetteurs capables d’améliorer l’humeur de manière spontanée. 

Le fait d’exprimer tous les jours votre gratitude pourrait changer vos connexions neuronales et vous apporter une sensation de plaisir et de contentement continue ou tout du moins plus durable.[11]

Certaines études ont montré que les personnes capables de dire merci étaient également davantage prêtes à partager avec les autres, à leur apporter leur soutien affectif et à pardonner.  

Par ailleurs, certaines études ont montré que la gratitude réduit le taux de cortisol qui est l’hormone du stress. 

Ceux qui savent dire merci pourraient donc être moins sujets au stress et à la dépression. 

Grâce à l’ocytocine, l’hormone du plaisir, ils auraient également une tension artérielle plus faible, des artères plus souples et un cœur plus robuste ![11]

Ils seraient également moins enclins à consommer trop d’alcool, de drogues ou de médicaments. 

Comment pratiquer la gratitude ? 

Sur ce terrain, je suis sûr que vous avez déjà de nombreuses idées. 

Voici quelques pistes qui ne sont là que pour compléter éventuellement ce que vous faites déjà !

Si cela vous est utile, vous pourriez par exemple :

  • tenir un journal quotidien de remerciements ;
  • devenir bénévole pour une cause qui vous tient à cœur : c’est une manière de dire merci car vous rendez au monde qui vous entoure une part du soutien ou de l’amour que vous avez reçu ;
  • placer dans une boîte des notes de remerciements pour les petites choses du quotidien. Le jour où vous irez mal, où la vie sera douloureuse, ouvrez la boîte et lisez les notes recueillies au fil des jours ;
  • faire un compliment par jour à quelqu’un.

Un temps pour contempler 

Les enfants savent faire ce que les adultes oublient. 

J’ai souvent vu des enfants s’arrêter de jouer pour regarder devant eux. 

Ils observent. Ils contemplent. Je l’ai vu avec mes proches. 

Parfois, je me dis que la seule raison de notre présence sur Terre est de pouvoir contempler le monde qui nous entoure. 

Ou en tout cas, que la part de contemplation est bien plus importante que la part d’action. 

Une seule chose semble différencier les humains et les animaux : la conscience.

C’est-à-dire la connaissance de notre propre existence.

C’est peut-être aussi cela que l’on appelle l’âme. 

À quoi me sert cette conscience ? 

Pour ma part, j’aime l’idée qu’elle me permette de voir ce qui dans la vie, dans la nature, dans ce qui m’entoure, est beau et bon. 

C’est pour cela que je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que la planète est en danger. 

Elle ne l’est pas. 

La Terre survivra aux humains et à leurs pollutions. 

Ce qui est en danger, c’est la relation entre la Terre et les humains. 

Est-ce qu’un peu de gratitude peut changer la donne ? 

Naturellement vôtre, 

Augustin de Livois

 


8 réponses à “Une recette de Cicéron qui fonctionne toujours ”

  1. Anne-Marie S dit :

    C’est vrai que la terre survivra aux humains mais pas grâce à eux car la grande majorité la maltraite pour leur profit ou par négligence ou ignorance.
    Il faut la respecter et lui dire merci pour tout ce qu’elle nous offre, un endroit magnifique où il fait bon vivre pour peu qu’on ne s’agglutine pas dans les mégapoles surpeuplées ou dans des lieux bourrés de pesticides.
    Si davantage de personnes étaient reconnaissantes et apprenaient à connaître Celui qui l’a créée et aménagée pour eux, la vie serait encore plus belle.

    Moi aussi, comme un enfant, je sais m’arrêter pour contempler un magnifique papillon qui vole et butine. Et tant pis si ma mère a dit : « ne vous inquiétez pas. Elle est dans son monde » . Je peux reprendre la conversation ou écouter mais ce papillon se sera éloigné.

    Savoir s’arrêter pour contempler et profiter d’un instant fugace est aussi important et peut-etre plus, que de participer à une conversation, même si celle-ci l’est également car comme je l’ai dit, cet instant se sera enfui mais la conversation, on peut la reprendre.

  2. Dominique Kuhn dit :

    MERCI !
    Merci Augustin de vos messages si positifs !
    et Merci à la Terre…

  3. Alix Levêque dit :

    Cette belle lettre est l’occasion pour moi de vous exprimer enfin ma gratitude pour toutes les lettres si pleines de bon sens et de profondeur que j’ai déjà reçues de votre part ! Merci pour le temps que vous consacrez bénévolement à partager vos connaissances et réflexions à tous ! Je vous souhaite de recevoir en retour au centuple ce que vous donnez de votre personne ! Bien cordialement,
    Alix Levêque

  4. Malice dit :

    Magnifique texte qui confirme ce que j’ai appris de mon Maître Spirituel.
    Dire merci le plus souvent possible et tout de suite je me sens différente et en lien avec ce qui m’entoure…
    Merci

  5. Anoush K dit :

    Merci pour ce texte plein de bon sens , d humanité et d ´espoir dans des lendemains qui pourraient chanter et non déchanter… n’ y a t il pas hélas une volonté extérieure qui contribue à plomber nos relations avec les autres et notre envie de légèreté heureuse

  6. THIOLLIER dit :

    Bonjour Augustin

    Merci beaucoup pour cette belle lettre si bien illustrée et qui redonne foi en cette valeur que j’essaye de pratiquer mais j’avoue que je viens de passer une période ou j’ai trouvé la vie, ma vie tellement absurde que je me suis un peu éloigné de cette croyance.
    En te lisant je reprends confiance en elle et me motive à pratiquer à nouveau.
    Je vais essayer de la lire ta lettre à mon ado de garçon mais ce n’est pas gagné.
    Ce sera quand une petite graine qui peut être un jour prendra racine en lui afin de perpétuer cette noble valeur.
    Bien à toi et encore merci.
    Cordialement
    Rémi.

  7. catherine vasseur dit :

    Je m’étonne que vou sautiez si facilement sur les injections diverses qu’à reçu Nadal. C’est le Journal l’Equipe qui en parle. Bien sûr c’est un grand champion, mais n’oubliez pas Lance Amstrong… Et n’oubliez pas les reproches de Nadal (injecté) à l’égard de Djokovic qui avait été banni !

  8. Martine Garcin dit :

    Bravo et Merci Augustin pour cette superbe lettre si juste et appropriée aux besoins du moment ! C’est une lettre à partager largement.
    Avec gratitude
    Martine ( pour mémo la mère d’Alexandre )

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