Affaire Gandon : il est urgent que soit reconnue – et encadrée – la naturopathie
Chère amie, cher ami,
Depuis plusieurs jours, un fait divers défraie la chronique.[1,2,3]
Le naturopathe Eric Gandon a été mis en examen. Il a été placé en détention provisoire. On lui reproche le décès d’une personne ayant participé à l’un de son stage de jeûne en août 2021.[4,5]
On ne sait pas si la femme de 44 ans décédée avait une fragilité particulière.
Cette décision a été annoncée le 12 janvier dernier par le procureur de Tours, Grégoire Dulin.[1,2]
Eric Gandon est poursuivi pour « homicide involontaire », « abus de faiblesse », « mise en danger de la vie d’autrui » et « exercice illégal de la profession de médecin et pharmacien ».[1,2]
Son fils est également poursuivi. Ce dernier aidait son père dans l’organisation et la promotion de son activité.
Les deux prévenus nient les faits. Tant qu’aucun jugement n’a été prononcé, ils sont présumés innocents.[1,2]
Que s’est-il passé ?
D’après la presse, Eric Gandon organise des stages de jeûne hydrique régulièrement depuis des années.[4,5]
Ces stages durent entre une et six semaines.
Le “jeûne hydrique” est la forme la plus stricte de jeûne et donc la plus éprouvante pour le corps humain. On ne consomme que de l’eau et rien d’autre. Ce type de jeûne mérite d’être surveillé par une équipe médicale s’il s’étend au-delà d’une journée.
Malheureusement, le 12 août 2021, une femme de 44 ans est décédée lors d’un stage de jeûne hydrique organisé par Eric Gandon.
La préfecture d’Indre-et-Loire a pris un arrêté pour lui interdire ses stages.[1,2]
Mais il aurait continué à le faire en ligne, toujours d’après la presse[16].
La justice a ouvert une enquête et aurait découvert quatre victimes des stages d’Eric Gandon.
Un des patients est notamment décédé d’un cancer du foie en phase terminale, un mois après une cure de jeûne en 2020.
Toutes ces accusations sont très graves.
Et les faits sont particulièrement tristes.
Une mauvaise nouvelle pour la naturopathie et les médecines naturelles
Dans ce genre de situation, ma première pensée est pour la victime.
Alors que cette femme espérait retrouver la santé, elle est décédée lors de son stage.
C’est une véritable tragédie.
C’est à l’enquête de déterminer les causes du décès.
Même si les causes de ce décès devaient être liées à autre chose que la pratique du jeûne, le fait qu’il ait eu lieu lors du stage fait peser les soupçons sur la pratique en elle-même et celui qui la proposait.
Cela jette un discrédit sur l’ensemble de la profession qui peine déjà à être acceptée et reconnue.
La naturopathie vise à renforcer la vitalité
Les médias qui ont relaté les faits, comme le Parisien ou BMFMTV[1,5], ajoutent généralement que la naturopathie est une pseudo-médecine et que le jeûne n’est pas une thérapie reconnue par les autorités médicales.
Ces deux affirmations sont inexactes.
La naturopathie n’est pas une médecine. Elle relève davantage de la prévention.
Son but n’est pas de soigner mais d’éviter aux personnes en bonne santé de tomber malades.
Les naturopathes sont, du reste, considérés comme des “éducateurs de santé”.
Ils ne vous soignent pas mais vous aident à mieux connaître et utiliser les forces de votre corps.
En d’autres termes, aucun stage de naturopathie ne peut être curatif.
Il s’agit de “bien-être” ou de “mieux-être”.
Le naturopathe est là pour aider son client – qui n’est pas un patient – à retrouver de la vitalité, de l’énergie.
En clair, le rôle du naturopathe est de vous aider à adopter un mode de vie protecteur et une alimentation saine.
Il peut vous aider à tenir vos bonnes résolutions, vous aider à trouver les bonnes tisanes qui accompagnent votre quotidien.
ll peut également vous aider à accompagner votre stress.
Aucune personne ne doit espérer être guérie en suivant un stage de naturopathie, même si pour certaines personnes cela peut-être le cas.
Ce secteur est encore très flou. Et mériterait non seulement d’être mieux cadré mais aussi d’être reconnu.
La responsabilité de l’Etat dans cette affaire
Or, en France, ces activités de mieux-être sont tolérées. Elles ne sont toutefois ni vraiment autorisées, ni encadrées.
Toutes les formations – et certaines sont de qualité – sont privées.
Et il n’y a pas ou peu de dialogue entre les autorités et ce secteur d’activité qui reste très restreint.
Pourtant, la demande augmente pour ces services.
Les citoyens d’aujourd’hui commencent à comprendre qu’une part importante de leurs maux viennent de leur mode de vie.
Avoir recours à un naturopathe peut être un moyen utile d’essayer de tenir ses résolutions.
Il y a donc une responsabilité de la part des autorités qui refusent d’accepter que se développe un secteur qui existe dans d’autres pays.
En Allemagne et en Suisse, les hygiénistes ou heilpraktiker sont reconnus[6], en Belgique et au Royaume-Uni, les herboristes peuvent exercer leur métier.[7,8]
Seuls les ostéopathes ont obtenu le droit d’exercer en France.[9]
D’autres professions de bien-être mériteraient aussi d’être acceptées par les autorités.
Le cadre juridique serait plus clair et les clients sauraient plus précisément ce qu’ils seraient en droit d’attendre de chacune de ces professions.
Par ailleurs, cela permettrait de mieux mettre en garde certains patients contre certaines pratiques.
Le jeûne hydrique est une cure très exigeante pour le corps. Elle n’est pas à pratiquer si l’on est malade ou affaibli et certainement pas, en tout cas, sans surveillance médicale.
Mais la responsabilité des autorités ne s’arrête pas là.
Si des patients se rendent chez des thérapeutes qui ne sont pas médecins, c’est aussi parce qu’avoir un rendez-vous médical est devenu impossible.
La médecine officielle va mal
Les déserts médicaux augmentent. De nombreux soignants sont suspendus.[10]
Il faut parfois compter des semaines avant de pouvoir rencontrer un médecin.[11]
Et la confiance dans le système médical s’effrite à cause des scandales qui éclatent régulièrement.
L’un des plus marquants de ces derniers mois a été le Lancet Gate.[12]
Une étude dans laquelle 100 000 patients ont été purement et simplement inventés a été validée par le comité scientifique d’un des plus grands journaux médicaux du monde.
Lorsque la supercherie a été révélée, les chercheurs qui avaient mis leur nom sur l’étude se sont désolidarisés de la société commerciale qui avait été payée pour fabriquer ces travaux scientifiques.
Mais le mal était fait.
Évidemment, le lien de cause à effet entre le drame qui s’est déroulé en Touraine et le dysfonctionnement chronique du système médical n’est pas direct.
Mais tout de même, comment se fait-il qu’aucun médecin n’ait pu empêcher ou mettre en garde un patient atteint d’un cancer du foie en phase terminale de suivre un stage de jeûne hydrique ?
Vous me direz peut-être que le patient n’en a rien dit à son médecin. C’est probable. C’est donc un problème de confiance dans le système médical.
En Allemagne, le jeûne est une thérapie proposée par des médecins
En Allemagne, certaines institutions médicales proposent tout à fait officiellement des cures de jeûne.
L’une des plus connues est la clinique Buchinger–Wilhelmi qui a fêté son centième anniversaire en 2020 et dont la réputation est mondiale.[13]
Elle est située au bord du lac Constance au sud du pays.
Le fondateur de la clinique, le docteur Otto Buchinger, était atteint d’une polyarthrite aiguë très handicapante qu’il aurait réussi à guérir après avoir suivi un jeûne.
Convaincu des bienfaits du jeûne, il a décidé d’y consacrer sa vie et ses compétences.
Résultat : un siècle plus tard, l’institution est toujours là et est hautement respectée.
Toutefois, le jeûne pratiqué se fait avec un suivi médical et se fait en douceur.[14]
Les patients reçoivent deux tisanes et deux bouillons par jour. Ce n’est pas un jeûne hydrique.[14]
Ils reçoivent tous les nutriments dont ils ont besoin au quotidien.[13,14]
L’entrée dans le jeûne, et la sortie, sont très surveillées.
Enfin, la clinique insiste sur l’aspect “préventif” de la cure.
Cela n’empêche pas certains patients d’espérer guérir de leurs maux en se rendant à la clinique, mais les soignants sont très clairs sur les objectifs du jeûne. Il s’agit d’aller mieux.
C’est du bien-être encadré par des médecins.
Il existe d’autres centres proposant des cures de jeûne comme l‘hôpital de la Charité à Berlin.[15]
Pour le Dr Andreas Michalsen, responsable de ce service, ces cures peuvent être utiles pour accompagner certaines maladies de civilisation comme le diabète ou l’hypertension.
Cette fois, le jeûne est proposé comme une thérapie.
Leçons à tirer du drame de Noyant-de-Touraine
Lorsqu’une personne décède à l’occasion d’une prestation de bien-être ou de santé, il est évident que la responsabilité du thérapeute doit être interrogée.
Et s’il y a un délit ou une imprudence, c’est à la justice, aidée par une expertise scientifique, de déterminer les responsabilités éventuelles des uns et des autres.
La question pour la société et pour le futur est de savoir comment prévenir ce type d’accidents.
Il y a deux réponses possibles à cela.
La première est d’interdire la naturopathie et les métiers du bien-être, ce qui revient au statu quo puisque, à ce jour, ces métiers ne sont pas autorisés.
La deuxième est de créer un vrai secteur d’activité du bien-être avec des métiers et des compétences identifiées et des professionnels dûment formés.
Cela permettrait à la fois de répondre à la demande du public pour de vrais services qualitatifs du bien-être, tout en introduisant des limites et des cadres à l’exercice de ces activités.
Dans l’idéal, ce secteur du bien-être serait en lien permanent avec le secteur de la santé sans se confondre avec lui.
Tout existe pour que ce secteur voie le jour. Il ne manque que la volonté politique.
Le jeûne n’est pas une thérapie magique
En guise de conclusion, j’aimerais insister sur l’aspect ambivalent du jeûne.
S’il s’agit d’un outil exceptionnel de prévention et s’il est parfois utile chez certains patients, cela reste un exercice exigeant pour le corps.
À chaque fois que j’en discute avec Bénédicte Van Craynest, nutritionniste, elle me rappelle à quel point chez les patients au système digestif fragile, ce n’est pas recommandé.
Pour elle, le jeûne, notamment hydrique, est trop violent pour l’organisme.
À ceux qui lui demandent de sauter un repas par jour, elle recommande soit de ne pas le faire et de prendre des repas plus légers, soit de supprimer le repas du soir.
Pour Bénédicte, le petit-déjeuner est essentiel.
De son côté, Jean-Pierre Marguaritte, ostéopathe, préfère les mono-diètes qui reposent l’intestin sans lui imposer une cure d’austérité.
En même temps, certains de mes lecteurs apprécient de jeûner une fois par an durant quelques jours.
Dans ce cas, n’oubliez pas d’en parler à votre médecin ou de vous faire accompagner par des professionnels chevronnés comme ceux de la clinique Buchinger-Wilhelmi.
Naturellement vôtre,
Augustin de Livois
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