L’acupuncture n’est pas une médecine douce!

Chère amie, cher ami,

“Fake médecine”, “médecine douce”, “médecine parallèle”. C’est ainsi que certaines personnes nomment l’acupuncture.

Ceux-là, à l’évidence, ne la pratiquent pas.

L’acupuncture traditionnelle est une thérapie trois fois millénaire. Elle n’est ni “douce” ni “fausse” ni “parallèle”. Elle est “ancestrale, traditionnelle, holistique”. Son but est de rééquilibrer le flux d’énergie qui traverse votre corps.

Le système des méridiens est un peu comme une carte sur laquelle passent de nombreux trains. Chaque point d’acupuncture est une gare par où doit passer le train de l’énergie. S’il y a une grève (c’est d’actualité), un accident ou un problème technique, le flux est ralenti. L’acupuncteur, comme un chef de gare, régule le flux.

Les médecins occidentaux ne sont pas familiers avec ces notions de flux d’énergie. Certains s’en méfient, d’autres y sont hostiles, d’autres encore s’en moquent.

Pourtant, l’acupuncture est pratiquée y compris par des non médecins dans certains hôpitaux publics de France. Vous trouverez des médecins qui vous assureront que l’acupuncture peut aider à soulager ou accompagner des maladies de notre temps telles que le cancer, l’arthrose, Crohn, Lyme…

Comment comprendre cette contradiction ?

Que voient dans l’acupuncture ceux qui la pratiquent et que les autres refusent d’imaginer ?

Pourquoi dit-on que l’acupuncture peut être utile pour :

• Bien dormir ;
• Rester en forme aux changements de saison ;
• Éviter les maladies que vos enfant ou petits-enfants transportent joyeusement avec eux, rhume, grippe, gastro?

Pourquoi certaines personnes sont-elles soulagées par l’acupuncture ?

Afin de mieux comprendre cette problématique, je vous propose aujourd’hui une interview d’Eric Moulin, acupuncteur formé au Centre Imhotep. Il est également membre fondateur du SYNAT (Syndicat national d’acupuncture traditionnelle) et 3e Dan de kyudo, tir à l’arc japonais.

Naturellement vôtre,

Augustin de Livois

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IPSN : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’acupuncture traditionnelle et sa différence avec l’acupuncture de la Médecine traditionnelle chinoise (MTC) ?

Éric Moulin : Il existe une vraie différence entre l’acupuncture traditionnelle enseignée par Jean Motte au Centre Imhotep où je me suis formé, et l’acupuncture symptomatique qui est pratiquée en général.

On peut poser des aiguilles pour retirer un symptôme mais ce qui est intéressant, c’est de savoir pourquoi le symptôme est là ; et quel est le dérèglement énergétique qui fait que le corps va lancer des signaux d’alerte, les signaux d’alertes étant les symptômes.

Il existe deux types d’acupuncture aujourd’hui :

• L’une liée à la MTC en supplément de la pharmacopée chinoise ^[1]. C’est une acupuncture symptomatique ;
• L’autre est l’acupuncture traditionnelle qui se différencie de ce qui est pratiqué en MTC. Elle travaille sur le dérèglement énergétique. On cherche les origines des maux car ils ne sont que des signaux envoyés par le corps pour dire : “Là attention ! il y a un problème quelque part.” Et il y a un problème parce qu’il y a un dérèglement énergétique dû au climat, aux émotions, à l’alimentation.

Il n’y a que deux causes à l’origine des maux : 1/ il y a des phénomènes externes dont le climat et la nourriture et 2/ des phénomènes internes qui sont les émotions. Seules deux forces peuvent léser l’organisme et dérégler l’énergie : ce sont les énergies extérieures, climatiques ou nourricières, d’un côté, et de l’autre les émotions.

Les émotions sont en cause en particulier en Occident puisqu’on est un peuple très tourné sur l’intellect, le mental et on est “bouffés” par nos émotions. C’est moins important en Orient, où l’on est beaucoup plus détaché de ses émotions et où l’on accepte facilement l’idée du matériel et du spirituel.

Que fait l’acupuncteur concrètement pour réguler les énergies ?

Tout d’abord l’acupuncture est un terme français inventé par les jésuites au XVIe siècle. Les Chinois ne disent pas acupuncture, ils disent en chinois Zhen Jui (technique des aiguilles et de la moxibution). L’acupuncteur a deux manières de réguler l’énergie :

• Soit par les aiguilles sur les points d’acupuncture, sur les méridiens ;
• Soit par du moxa, poudre d’armoise séchée, broyée qu’on consume sur le point d’acupuncture, ou alors avec un bâton on va chauffer une zone ou un point.

Ce sont les deux techniques le plus souvent utilisées en acupuncture, mais on utilise aussi les ventouses, comme nos grand-mères !

Pouvez-vous nous éclairer sur les méridiens ?

Sur le corps, il y a douze méridiens, même un peu plus. Le méridien, c’est le prolongement d’un organe. Pour imager, par exemple, prenez une pomme de terre, elle représente l’organe, et la radicelle qui pousse sur cette pomme de terre, c’est le méridien. Il y a toujours une concordance, un lien entre le méridien et l’organe qui y est attaché.

On n’a pas que douze organes ^[2]. Il y a un certain nombre d’organes qui selon la médecine chinoise ne sont pas considérés comme tels. Il y en a un certain nombre par exemple que les Chinois appellent les entrailles curieuses. Par exemple le cerveau fait partie des entrailles curieuses. Il n’a pas de méridien propre mais il est rattaché avec le système neurologique des intestins. Les Chinois ont pensé cela il y a 3-4000ans ! Ce n’est pas pour rien qu’on nous sort aujourd’hui : « L’intestin, notre 2^ecerveau » ; « Il y a autant de neurones dans l’intestin de l’homme que dans le cerveau d’un chien. » Ce que les Chinois avaient découvert de manière analogique, la médecine occidentale tente de le redécouvrir ou le redécouvre toute seule. Mais on fait les liens. Il n’y a en fait aucune nouveauté à se dire que le cerveau est lié au gros intestin.

Avec le Yin/Yang, l’un des concepts fondateurs de la pensée chinoise est celui de « La loi des cinq éléments » ou cinq mouvements. Ces cinq éléments fondamentaux sont le bois, le feu, la terre, le métal, l’eau. C’est un cercle nourricier sans fin :

• Le Bois engendre le Feu (en se consumant) ;
• Le Feu engendre la Terre (en produisant des cendres) ;
• La Terre engendre le Métal (qui est dans son sein) ;
• Le Métal engendre l’Eau (en se liquéfiant dans la fonte) ;
• L’Eau engendre le Bois (en le nourrissant).

Dans chaque élément on va regrouper les organes :

• Bois : foie et vésicule biliaire ;
• Feu : cœur et intestin grêle ;
• Terre : rate, estomac, pancréas ;
• Métal : poumons et gros intestin ;
• Eau : vessie et reins.

Tout peut être classé selon les cinq éléments, les saisons, les couleurs, les métiers, les émotions, les saveurs, les odeurs, etc. C’est dire si c’est un formidable outil pour comprendre les personnes qui viennent nous voir.

Pourquoi va-t-on chez un acupuncteur ?

Dans l’absolu, l’acupuncture peut tout soigner, puisque la médecine chinoise et l’acupuncture ont toujours soigné depuis les chamanes proto-chinois. Mais l’acupuncture est essentiellement un soin de prévention, pour réguler les énergies de l’humain par rapport à son environnement. À partir du moment où l’acupuncture traditionnelle régule ses énergies, la personne ne tombera pas malade. La légende dit que les médecins chinois ne se faisaient pas payer quand le patient était malade ; mais que à chaque saison, ils allaient voir leurs patients et là il se faisait payer. C’est pour cela qu’il faut bien connaître l’environnement de la personne.

Une séance d’acupuncture c’est d’abord un questionnaire important sur tout l’environnement de la personne pour déterminer son profil énergétique : Qu’est-ce qu’elle fait ? Comment vit-elle ? Comment mange-t-elle ? Une fois qu’on a déterminé son profil énergétique, on est capable de mettre en place le système de soins qui va réguler toutes ses énergies de façon à ce que ce soit correct.

Il y a deux types de personnes qui vont chez l’acupuncteur :

• Celles qui fondamentalement sont convaincues des bienfaits de la prévention ;
• Puis les autres, environ 90%, qui, ayant fait le tour de toutes les thérapies en rapport avec leurs maux sans trouver de réponse, pensent qu’il n’y a rien à perdre à essayer l’acupuncture :  elles sont parfois très surprises car notre analyse est complètement différente.

Les principaux maux que je vois dans mon cabinet sont :

• Insomnies : problèmes d’endormissement et de réveils nocturnes ;
• Tendinites, douleurs musculaires ;
• Problèmes de transit : constipation, diarrhées ;
• Accompagnement de personnes en traitement de chimiothérapie.

Dans ce dernier cas, on est dans quelque chose d’assez symptomatique. Il s’agit d’un soutien lié aux effets secondaires de la chimiothérapie. Et surtout une chose très importante : la régénération du sang. Pour refaire des plaquettes, des globules blancs, l’acupuncture traditionnelle est très très efficace. De nombreux hôpitaux s’en servent. Les méridiens ne sont que la prolongation d’un organe. On part du principe qu’un certain type d’organes fabrique du sang ; en énergie chinoise, on dit que le sang est fabriqué au plus profond des moelles mais aussi par la rate et stocké par le foie. Le foie stocke le sang et quand le corps en a besoin, il vient puiser dans cette réserve. Nous avons comme cela des organes liés au sang. Donc si je veux traiter le sang, je peux travailler sur les méridiens qui vont au plus profond des moelles : les reins, mais aussi la vésicule biliaire, le foie et la rate qui fabrique tout ou partie du sang.

Ma première patiente en suivie de chimiothérapie m’a été adressée par une oncologue de l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, le Dr Boostandoost. Elle avait une patiente qui était en chimio et qui n’avait plus assez de globule blanc et de plaquette. Mais plus de plaquettes, plus de chimio. Le traitement s’arrête. On ne peut pas faire de chimio à quelqu’un en déficience de plaquettes, ce n’est pas possible. Elle avait découvert lors d’un colloque que l’acupuncture faisait quelque chose et elle s’est dit en désespoir de cause : “Faisons-le.” Elle l’a proposé à sa patiente en déficience de plaquettes dont le taux de plaquettes est remonté. Il y a eu des articles de ce médecin rattaché à l’époque au service d’oncologie du Pr Khayat. Celui-ci a créé la fondation AVEC ^[3] qui a employé des années des acupuncteurs pour l’hôpital. En soutien de la chimiothérapie, l’acupuncture fonctionne donc très bien.

Mais il y a beaucoup d’autres choses pour lesquelles l’acupuncture est très utile.

Pour tout ce qui est chronique en particulier, l’ensemble des thérapies alternatives est cohérent. 

Il est certain que l’acupuncture traditionnelle ne répond pas à l’urgence et à la chirurgie. Ce n’est pas son propos. Mais pour les maladies de fond qui traînent, c’est vraiment intéressant. Pour les personnes qui souffrent des maladies de Crohn, de Lyme, plus elles prennent des médicaments, plus c’est compliqué. Il ne s’agit pas d’opposer la médecine traditionnelle chinoise avec la médecine allopathique. Il s’agit d’utiliser les bons outils aux bons endroits.

Est-ce que l’acupuncture fait mal ?

Non, cela ne fait pas mal mais l’acupuncture n’est pas une médecine douce. C’est une médecine ancestrale, complémentaire, traditionnelle, alternative. Personnellement, je n’aime pas employer le terme de médecine douce parce que ce n’est pas doux. Ceci dit, les acupuncteurs en France travaillent avec des aiguilles vraiment très fines, alors qu’en Chine, ils travaillent avec des aiguilles qui sont des pieux !

Pour parler des aiguilles, ce sont des aiguilles pleines, pas comme les seringues de prise de sang qui sont creuses. C’est beaucoup plus fin qu’une aiguille de couture. Personnellement j’utilise des aiguilles de 0,25 mm de diamètre pour les femmes, qui ont l’épiderme plus souple et des aiguilles de 0,32 mm pour les hommes ou toutes les personnes qui ont une peau épaisse. En acupuncture on ne met pas de produit dans ou sur les aiguilles, les risques de contamination sont donc nulles, d’autant que nous utilisons toujours des aiguilles à usage unique qui sont jetées après usage.

La stimulation du point d’acupuncture se fait par une aiguille mais peut aussi se faire en acupression, comme dans le shiatsu. Pour les personnes qui ont une phobie des aiguilles, je fais des pressions. Cela prend plus de temps parce que la stimulation est moins efficace. Le but est de stimuler le point d’acupuncture qui va rayonner d’un point sur un autre et va aller jusqu’à l’organe s’il s’agit d’une atteinte d’organe ; on travaillera simplement sur le méridien si c’est une atteinte de méridien.

On peut travailler seulement sur le méridien, seulement sur l’organe, ou sur les deux sachant qu’il y a quand même toujours une interaction.

L’acupuncture est-elle reconnue officiellement ? Les acupuncteurs peuvent-ils exercer en toute légalité ou risquent-ils d’être ennuyés ?

L’acupuncture n’est pas reconnue officiellement. Il y a unvide juridique, ce que ne dira pas l’ordre des médecins. Si vous allez sur le site Légifrance et vous tapez acupuncture, il n’y a rien qui sort, mais l’acupuncteur est susceptible d’être ennuyé.

Nous ne pratiquons pas la médecine, nous régulons les énergies qui parcourent le corps humain. Nous ne pratiquons pas de diagnostic, nous élaborons un profil énergétique. Tout acupuncteur qui travaille dans ce sens n’a rien à craindre dans sa pratique, surtout s’il a suivi une formation solide qui ne lui fait pas croire ce qu’il n’est pas.

En revanche les impôts prennent l’argent sans problème, l’URSSAF et le RSI en font de même. Nous avons unereconnaissance fiscale et sociale de fait puisqu’on nous laisse travailler. Donc nous sommes des acteurs économiques comme les autres. Il n’y a nulle part dans les textes de loi français quelque chose qui interdit à quiconque d’exercer et c’est là peut être le problème. Ce que nous voulons, c’est faire reconnaître nos propres formations et se dissocier de la MTC (Médecine traditionnelle chinoise). Nous avons quatre ans de formation à l’école de Jean Motte, cela n’a rien à voir avec ce qui se pratique dans les écoles de MTC. De plus, pourquoi importer la pharmacopée chinoise en Occident ? Pour moi cela va à l’encontre de la philosophie taoïste qui préconise de se mettre en harmonie avec les énergies qui nous entourent.

Nos fondements sont sur les livres anciens chinois, nous nous appuyons sur la tradition chinoise : nous travaillons sur la régulation des énergies sans forcément faire appel à la pharmacopée chinoise qui utilise des produits chinois correspondant à un biotope, à un éco-système. Pourquoi aller chercher des plantes à dix mille kilomètres ? L’acupuncture adapte les énergies de l’humain à son environnement, c’est-à-dire Poitiers, Bordeaux, Limoges… et les plantes qui sont autour. On a tout ce qu’il faut.

Pour finir, un dernier mot sur l’acupuncture traditionnelle ?

L’acupuncture traditionnelle, c’est une relation de cœur entre la personne qui vient en cabinet et le thérapeute. C’est une connexion complète entre les deux. Si vous ne vous entendez pas trop avec votre thérapeute, il faut changer. L’idéal n’est pas d’attendre la phase aiguë d’un mal pour aller chez l’acupuncteur mais bien de venir en prévention et en particulier à chaque début de saison. C’est presque un accompagnement. Et la personne peut être amenée à changer car l’acupuncture régule les énergies incorrectes qui s’installent sur des vides énergétiques. Lorsque l’énergie est régulée et le vide comblé, un changement s’opère en profondeur.

Merci beaucoup, Éric, pour vos éclaircissements sur l’acupuncture traditionnelle. Nous aurons le plaisir de vous retrouver au 1er Congrès d’acupuncture les 14 et 15 avril prochains à Lyon.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les bienfaits de l’acupuncture traditionnelle, n’hésitez pas à nous rejoindre au 1er Congrès d’acupuncture.  Plus d’informations ici.

 

Notes et sources:

[1] L’acupuncture est l’une des cinq branches de la Médecine traditionnelle chinoise (MTC), avec la diététique chinoise, la pharmacopée chinoise (herbes médicinales), le massage Tui Na et les exercices énergétiques (Qi Gong et Tai-chi).
[2] Dans le corps humain, 78 organes ont été identifiés et validés scientifiquement. Les hommes ont 71 organes, les femmes 75. Un 79e organe, le mésentère a été découvert par deux scientifiques irlandais en 2017.
[3] Fondation fondée en 1997 par le Pr David Khayat qui l’a fermée en 2017.